Le principe des Vases communicants : tous les premiers vendredis du mois : échanger ses vidéos, s’emparer des image et de la bande son de l’autre, entrer en dialogue avec… En ajoutant voix off, texte lu / improvisé / écrit sur l’image / sons / musique et diffuser sur sa chaîne YouTube la vidéo de son invité…
et vous adorerez, imbécile caillette mes vers antipathiques vautrés dans le transat d’une anthologie noire à souffler les paillettes oh vous les aiiiiiiimerez, vous qui les méprisâtes
et vous viendrez alors visiter les infects affects calamiteux de ma lyre, oui, car vous qui fermez le bar de vos regards select trouverez quelque ivresse dans mes vers à ricard
La collection top25 constitue la pépinière principale des éditions de l’IGN : au plus proche de la « rugueuse réalité », sans concession aux modes (sauf douteuses tentatives numériques), dans un esprit de rigueur et d’inventivité qui fait souvent défaut au paysage littéraire contemporain. Une nouvelle publication est toujours un risque : cet opus intitulé « Crêt de la Neige 3328OT Oyonnax. Lélex. PNR du Haut-Jura » tient et dépasse les promesses de la collection. Il faut s’y laisser glisser comme si jamais nulle poésie n’avait été écrite avant elle. Elle invente un monde où nous devons réapprendre à marcher.
Rigueur disions-nous et c’est la première évidence : là où tant d’œuvres souffrent de relâchements expressifs, de creux où tombent et crèvent nos capacités attentionnelles, ici même une tourbière est un sommet. L’auteur (ou l’autrice?) engage une épreuve de force avec ses propres moyens, épreuve qu’elle soutient jusqu’au bout: la précision de la légende, de l’échelle, des proportions et des couleurs reste – presque maniaquement – respectée. Ainsi, une forte tension parcourt la carte, qui électrise sa lecture: l’enjeu traverse le papier, nous saute au visage, sans compromis possible. Mais pareille rigueur ne serait que tristesse robotique sans le fourmillement qui se déploie dans l’espace contraint du papier. Pas de retour à la ligne foireux, pas d’extravagance formaliste à périr d’ennui ni d’uniforme revêtement, mais une séminale éruption de contrastes : les larges forêts sont rayées d’une autoroute où les ouvrages d’art tantôt s’opposent, tantôt épousent les courbes de niveau par moments torturées. Ce combat de géant en constitue le morceau de bravoure, mais l’ensemble est piqueté, comme une averse d’évènements singuliers, de coups de théâtres : tours, chapelles, sources, croix, gros rochers marquants, station de pompage, tumulus, etc. Et cela se tourne, se retourne, se déplie et se lit dans tous les sens, au hasard: une constante surprise en deux dimensions. L’engagement verbal est total : d’une « Montagne des Moines » à un « Technoparc du pays de Gex » en passant par une « Commune de Septmoncel les Molunes » et des « combes », « abergements », « Oublies », « Teppes » et autres « Queues de lac » les toponymes ne plaisantent pas avec leurs ressources d’imaginaires, leur fracas de sons et de sens. La profondeur diachronique le dispute aux stigmates de la modernité. L’auteur restitue avec puissance un monde qu’il sait regarder en face et simultanément avec une érudition ouverte comme une plaie : vous n’empêcherez pas la D436 de finir en 2×2 voies. Ni d’énormes lignes hautes tension de flétrir le Pré Michy. Et pourtant, l’auteur vous laisse étonnamment libre: aucune manipulation, aucun jugement, vous voilà embarqué aussi dans votre propre pensée, dans votre propre espace et dans des projections, des espoirs et des manques qui vous appartiennent. La marque des grands, sans doute, que de raconter ainsi le présent à une échelle intime et pourtant commune. Des prémisses d’horizon naissent à cette lecture ; ils n’y sont pas explicitement inscrits, mais des ciels se lèvent avec certains reliefs, et c’est comme un peu plus libre que vous reprenez la route. Visions, échos, passages : fulgurances de couleurs et rage de l’écriture dans un remarquable retrait narcissique : la tête vous tourne et c’est l’esprit désorienté qu’on sait mieux que jamais où, malgré l’autoroute, sourcer sa propre quête.
Vide fleur cloche beurre écarte de la tête tout ce qui toque Ouvre fenêtre chasse l’air marche sur haut-parleur désert dans les blocs dans l’arc desbruyères dans ballon bleu qui enfle comprends le sens de la lumière Arase l’arme flaire le long d’un tourbillon d’eau claire
S’évase se corse penche au rebord d’un raffinement enfoui sonde la truite comble la nuit entre l’assuré et l’écorce filtre des mousses avale son chemin pisse sa force renaît d’entre ses mains jette un oeil puise un regard laisse éventré un sourire et part dépense corps dépêche l’arme sans savoir sans retenir rien plie la branche lève l’hache jusqu’au fil aérien où file flèche : moi l’an 2000
Cet après-midi je passe de la vie à la mort et inversement toutes les cinq secondes environ + le temps + qu’il faut + pour écrire un vers + chasser une mouche + écouter craquer un os dans mon dos + telle est la routine épuisante + du dimanche heureusement qu’il y a l’aliénation le reste de la semaine hop un ciel chasse l’autre hop qu’ai-je encore foutu du temps perdu ?
[Attention copinage : l’auteur du post connaît l’auteur du livre, l’excellent éditeur de l’un est l’excellent éditeur de l’autre. Nonobstant, l’auteur du post revendique la pureté sincère de son estime littéraire]
Voici un long poème, touchant et drôle, acéré et inattendu, un requiem de premier ordre que l’intéressé n’aurait pas commandé à Jean-Sébastien Bach ; Jean-Claude fut un collègue manutentionnaire du poète, une figure locale et un mystère cependant, une de ces ombres incertaines qui conduisent les fenwicks dans la nuit de l’exploitation ouvrière. Requiem de ceux qui n’en commandent pas, donc, et que Grégoire Damon dépose à l’usage des vivants, avec sa rythmique gouailleuse évacuant toute gravité, mais non sans pudeur. Du meilleur Damon: inimitable dans les accélérations et les loopings. Du « Realpoetik » en barre, qui fait jouer au vers un récitatif funèbre autant que joyeux. En ce moment dans la lecture de Ceux qui trop supportent d’Arno Bertina, excellent livre aussi sur la condition des ouvriers, je me dis que ces deux livres de dignité, de deuil et de combat, mériteraient le même éclairage : au fumigène et à la bougie. Faites tourner le capitalisme: achetez plutôt (ici).
Il faut casser son joujou, toujours pour qu’il puisse servir
j’écris depuis cinq secondes et je suis sur facebook – le talent de mes amis virtuels me désespère sur wikipédia – que devient Philippe Poupon ?
dix et je suis sur télérama sur yahoo sur ma cinquième boite mail sur le twitter d’une folle sur les suites d’un débat de société qui fait avancer le débat de société qui fait avancer le débat sur le direct live d’une mauvaise nouvelle à succès de victimes par centaines de tortues défenestrées d’océans asthmatiques d’avenir bouché d’avenir noir d’avenir tranché irradié douze secondes et je suis irradié à mon tour – le nuage a fait le tour du monde il faut casser le joujou toujours pour qu’il serve et je suis – collé le cul au skaï de ce fauteuil où il manque un accoudoir huit secondes encore yahoo – la fille a d’énormes seins c’est la fille du manager d’un type qui coache des épilatrices de stars en devenir huit secondes chrono top je suis de retour sur Facebook – ces amis virtuels sont de tels connards six secondes – qu’est-ce que tu fiches ici si ça se trouve ils te voient je descends le fil remonte l’algorithme tourne la terre tourne le sang tourne dans mes artères tourne vinaigre cette saleté d’art mon art poétique c’est l’historique d’un navigateur
– non point les voyages du capitaine Cook – les traces d’un logiciel transmutant en code binaire mes désirs dératés pour les vendre aux siècles des siècles je pense à Mozart huit secondes philippe poupon se consacre au futur des générations
traces traces traces d’ours polaires au sahara traces de sang sur le col du gentil monsieur qui parlait du gentil gamin qui a disparu hier sans laisser de traces traces traces faudrait casser joujou faudrait casser le trou dans l’œil du type pris en selfie allongé nu sur la tombe de saint john perse
je récupère plus je récupère six secondes et me voilà dans lequipe.fr ouverture du score ouverture du tour du monde tout s’ouvre tout se ferme tout s’ouvre
les fenêtres s’éclipsent l’une l’autre, se chevauchent, se tourmentent, mes synapses ne suivent plus ce que mes doigts commandent du bout du bout du bout du monde du bout du monde de mes nerfs je commande à rien qu’un langage en binaire qui ne veut plus de moi qui ne veut plus de moi mon putain d’art poétique c’est un historique trace trace de navigateur dans son slip je veux dire Tabarly filmé à la barre en direct un saumon lui arrache la tête twitter s’en empare même même même même et je suis en train d’écrire ce poème quand je reçois la vidéo dans un coin elle dure quarante sept secondes
d’abord le calme lourd des eaux le plic ploc du bateau sur tâche d’huile puis une voix OH MY GOD je consulte ma quatrième boite mail mon compte bancaire mes notifications trello mes statistiques du jour mon fil facebook la fiche wikipédia d’un boxeur croate, je consulte doctissimo jeuxvideo.com le sorcier Yabata une lame de rasoir sur ma gorge
puis l’ombre dans les eaux brusquement se transforme en géant papillon d’écume un dragon à écailles bleues rouges bleues surgit et avant trois secondes que t’ait le temps de dire oh my
arrache la tête du navigateur historique purée je l’ai je coupe pense à Mozart putain je l’ai je coupe j’ai mon art poétique
et je tombe dans la nuit trois secondes cent mille ans où tout continue d’imprégner les écrans où tout continue d’imprégner tout les écrans les océans les siècles des siècles
mon crétin d’art poétique ô dieux impurs protégez-moi c’est un historique